5.2.21

ma petite soeur

Ma petite soeur

 

1954: Partition du Vietnam en 2 états : Le Nord et le Sud Vietnam.

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Mon père est parti au Nord. Il nous a quittés, ma mère, ma petite soeur âgée de

3 ans et moi.

J'ai 6 ans de plus que ma sœur. Nous sommes pauvres. A 9 ans,

j'ai compris la tristesse de ma mère, ses soupirs et ses pleurs silencieux la

nuit. Je suis le seul "homme" de la famille. Je sais porter ma soeur dans mes

bras, lui donner à manger et la consoler lorsqu'elle pleure. Je sais la baigner,

l'habiller, la promener sur mon dos et la mettre au lit. J’abandonne mes études

pour pouvoir m’occuper d’elle. Maman rentre de son commerce tous les soirs avec ses paniers en balancier. Au dîner, autour de la lampe à huile, nous essayons de lui parler pour la réconforter. Elle nous raconte des histoires qui se sont passées au marché, comme si nous étions des adultes. Je l'aime tellement, ma mère, avec ses cheveux, ses épaules frêles et ses mains sèches.

Elle tient un étal de légumes au marché Côn. En fait, c'est un carré de

terre, un tout petit emplacement. Il fait encore brumeux lorsqu'elle quitte la

maison le matin. A midi, elle rentre pour nous faire à manger, se repose un peu et

repart préparer son étalage pour l'après-midi. Elle fait l'aller-retour ainsi tous

les jours, 7 jours sur 7, seule.

Lorsque ma soeur atteint ses 5 ans, maman l'inscrit à l'école maternelle. Je peux aller de nouveau à l'école. En classe, je ne vois que des visages inconnus. Mes camarades ont 2 ou 3 ans de moins que moi, je suis le plus âgé. Je travaille bien. Je deviens chef de classe. A la fin du CM1, je demande à maman d'aller voir le maître, pour lui demander la permission de sauter une classe. Il accepte. Je me concentre sur mon examen. Je réussis et passe en 6è.

Au collège Trân Quôc Tuân, j'étudie nuit et jour. En 4è, je prépare et réussis le BEPC. Arrivé en 2nde, j'arrive enfin à rattraper mes anciens camarades. Je suis content de les retrouver. Je commence à avoir besoin d'argent pour acheter des livres, des vêtements. Ce n'était pas très important auparavant, mais maintenant, au lycée, je commence à rougir en voyant des jeunes filles du lycée d'en face. Parfois j'imite mes amis, je fume et les accompagne au café. L'argent de poche ne me suffit pas. Je me mets à donner des cours de répétition à domicile. Je m'occupe de quelques élèves plus jeunes que moi.

Nous habitons toujours la même petite maison depuis le départ de papa.

En Seconde, je prépare le baccalauréat 1è partie. J'obtiens la mention Passable. Je réussis encore cette fois-ci, à l'étonnement de tous. En fait, je suis conscient que maman fait des économies et se sacrifie pour nous. Elle se lève tôt le matin, nous prépare à manger, et s'en va silencieusement, sa palanche sur l'épaule. Le soir, elle nous observe en train d'étudier sous la lampe à huile. Certaines nuits, nous l'entendons tousser en se retournant dans son lit. Ces derniers temps, elle tombe souvent malade. J'ai les larmes aux yeux quand je pense à elle et à ma jeune soeur. En même temps, cela me stimule. J'étudie comme un fou. Ah, si l'Education Nationale m'autorisait à passer le bac en 1 seule fois. Les cheveux de maman sont blancs maintenant, ses épaules amaigries et son dos de plus en plus voûté. Cela me fait mal de la voir ainsi, et je m'enfouis avec encore davantage de rage dans mes livres.

Ma soeur commence à entrer dans son adolescence. C'est l'âge tendre, l'âge des rêveries. Elle sait que sa maman travaille dur, que son frère donne des cours particuliers, pour apporter un complément de revenus pour la famille et qu'il essaie de brûler les étapes en vue d'un diplôme. Elle demande rarement à maman de l'argent pour acheter des vêtements neufs. Ses 2 petites tuniques blanches lui suffisent pour le collège. Papa n'est pas là, je m'occupe de ma mère et de ma soeur à la place de l'absent. Parfois, je me demande pourquoi papa nous a quittés...

Je réussis mon bac 2è partie à 18 ans et m'inscris à la faculté de Lettres de Huê. Maman reste à Da Nang avec ma soeur. Tous les week-ends, je prends le "xe do" (transport en commun- mini bus) pour rentrer les voir et reviens le lundi à la fac.

A Huê, je continue à travailler comme répétiteur à domicile. Je peux ainsi aider maman.

Un après-midi, peu de temps après l'anniversaire des 13 ans de ma soeur, maman quitte précipitamment le marché et rentre à la maison. Elle a mal à la tête. Pensant à

une légère grippe, elle demande à ma soeur de la frictionner avec des huiles

essentielles traditionnelles et de lui préparer de la bouillie de riz à la ciboulette. Ce soir là, maman devient fiévreuse et se met à divaguer. Le lendemain, ma soeur doit s'absenter de l'école pour l'emmener à l'hôpital. Elle cherche ensuite à me contacter à Huê.

J'accours à Da Nang par le dernier "xe do". Il fait déjà nuit, je n'ai pas le temps de dîner. Je vais directement à l'hôpital. Dans sa petite chambre, sous la lumière blafarde, maman semble en train de dormir dans son lit de malade, et ma soeur somnole à ses côtés. Maman est pâle et immobile, et la petite soeur encore bien jeune et innocente...

Je la réveille, elle frotte ses yeux, l'air hagard pendant quelques instants, me

reconnaît, se jette dans mes bras et se met à sangloter. Elle me raconte que

depuis son entrée à l'hôpital, maman ne s'est réveillée que quelques minutes vers

midi, pour replonger de nouveau dans le coma. L'infirmière nous explique qu'elle

a eu un accident vasculaire cérébral, une rupture d'un vaisseau au cerveau. Je

suis stupéfié. C'est comme un coup de marteau à ma poitrine. L'infirmière regarde ma soeur, l'air désolé...

Ce soir là, nous restons à l'hôpital pour veiller sur notre mère. Ma soeur s’est assoupie, épuisée. Dans son sommeil agité, elle appelle maman et sanglote. J'ai l'impression qu'un couteau me coupe les entrailles. Je passe ainsi toute la nuit à regarder ma mère inanimée et ma soeur dans son sommeil intermittent. D'une main, je caresse doucement la main blême de maman, et de l'autre, je tiens la petite main de ma soeur. J'essaie de me retenir, mais les larmes ne cessent de couler sur mes joues.

Maman pousse son dernier soupir à 5 h du matin. Elle ne reprend pas ses esprits pour nous dire ses derniers voeux. Elle s'en va ainsi en silence, sa main se refroidissant

lentement dans la mienne...Je réveille ma soeur. Nous embrassons le front de

maman pour lui dire adieu. Ma soeur lui ferme les yeux, encore à moitié

entrouverts. Elle serre fortement les 2 mains de notre mère, les réchauffe près

de son coeur et appelle doucement: "Maman, maman..." Elle pleure en silence, son

corps blotti contre la poitrine de maman. Ses larmes abondantes mouillent la

chemise déteinte de notre mère. Pauvre maman...Pauvre petite soeur, tu n'as que

treize ans…

Après l'enterrement de notre mère, j'abandonne mes études de Lettres. Je n'ai

plus le coeur à cela. Ma soeur par contre doit retourner au collège.

La petite maison délabrée est mise en vente. Toute la fortune de maman est confiée à Minh, un ami intime. Les parents de Minh nous considèrent comme leurs enfants. Je leur confie ma sœur. Hân, la soeur de Minh, est du même âge et est dans la même

classe que ma soeur, elles peuvent ainsi aller à l’école ensemble. L’argent de

notre mère pourra subvenir à ses besoins pendant 2 ou 3 ans. Je lui donne un peu

d’argent pour ses dépenses vestimentaires et scolaires diverses. Je la serre

dans mes bras, me promets et promets à notre mère défunte que je m’occuperai de

ma soeur toute ma vie...

J’entre à l’école militaire de Dalat. J'ai 20 ans. Avec mon maigre salaire d’élève officier, j'essaie de faire des économies pour les envoyer à ma soeur. Je lui demande de m’écrire toutes les semaines, de me raconter ses études et de me promettre de ne rien me cacher. Elle m'obéit. Une fois l’an, j’ai une permission et je peux aller la voir. Nous nous retrouvons et allons nous recueillir sur la tombe de maman, sans pouvoir cacher notre chagrin.

En grandissant, elle ressemble de plus en plus à notre mère: le même visage arrondi, le même regard doux et patient, les mêmes yeux lointains et mélancoliques. Elle est réservée, peu bavarde de nature. Sans doute est- ce parce qu’elle est trop tôt orpheline, et que son unique frère est loin.

Heureusement qu’elle a son amie Hân auprès d’elle. Hân et elle viennent assister

à ma fête de fin d’études. Ma soeur a réussi l’examen d’entrée à l’école normale

de Qui Nhon. Dans 2 ans, elle sera une institutrice. Je suis fier d’elle et la

présente à mes amis. Elle est un peu intimidée. Ma sœur, si adorable, si

attachante. J’aimerai pouvoir dire à notre mère: ” Maman, tes enfants sont

adultes maintenant ...

J'entre chez les parachutistes, peut être est-ce simplement parce que j’aime la couleur de leur béret ? Ma soeur est au pensionnat de l’école. Tous les mois, je lui envoie la moitié de ma solde pour ses frais de logement et ses repas. Je devine que les jeunes

filles ont plus de frais que les hommes : toilette, maquillage … Elle me raconte

ses études, ses fréquentations. Elle craint pour moi, lors de mes patrouilles...

Si jamais je suis confronté avec papa sur le terrain de guerre, comment pourrai-je le reconnaître? Elle n’en ajoute pas plus, mais je comprends, une balle est vite perdue…

Les 2 années d’études universitaires de ma soeur passent vite. La voici jeune

institutrice. Elle est affectée dans une école primaire près de Phan Rang. Ma

soeur partage une location avec 2 autres collègues. Tous les matins, les 3

maîtresses prennent ensemble la Lambretta (transport en commun), pour aller à

l’école. Le soir au retour, elles se mettent au fourneau. Ma sœur m’écrit et me

dit avoir fait la connaissance de Tuân, un officier de la marine en poste à Phan

Rang. Il est seul avec sa mère. Elle le trouve gentil, discret.

La guerre s’intensifie. Mon unité est en constant déplacement. Parfois nous ne rentrons à l’arrière qu’une fois par an. Je suis blessé deux fois la même année. Je le

cache à ma soeur pour ne pas l’inquiéter. Pendant mes semaines à l’hôpital et ma

convalescence, je commence à écrire des articles pour des journaux et des

revues. Je raconte ces affrontements sanglants entre mon unité et l’ennemi

communiste, je raconte les extraordinaires «exploits» de mes amis…

Suite à une blessure au bras, j’ai droit à quelques jours de permission. Je vais voir ma

sœur à Phan Rang. Elle est très contente de me revoir, mais se met à pleurer

lorsqu’elle voit le plâtre à mon bras. Je la console: " Je pourrai peut-être

être transféré plus tard à l’arrière".

Le lendemain, Tuân vient me voir, il est effectivement très gentil. J'ai tout de

suite de la sympathie pour lui. Pendant toute cette semaine, ma soeur doit

continuer son travail à l'école. Heureusement qu’il y a Tuân, il m'emmène

prendre le petit déjeuner et le déjeuner. Et l’on attend ensuite le retour de

l’institutrice vers 15h. Le soir, elle se couche tôt. Tuân s'attarde auprès de

moi. Autour d'un café, je lui raconte notre histoire, la mort de notre mère. Les

yeux de Tuân brillent dans la nuit, il se les essuie d’un revers de main…

Les 7 jours de permission passent vite. Je rentre à Saigon, le coeur léger. J’ai pu

rencontrer Tuân. Je suis sûr qu’il ne rendra pas ma soeur malheureuse. Je reçois

ensuite une lettre de sa part. Il parle de sa famille et demande la permission

de venir me voir, avec sa mère, pour demander la main de ma sœur. Il me promet de

bien s'occuper d’elle et de l'aimer. Je suis ému et content. Ma soeur n’a pas eu

de difficultés dans sa vie sentimentale, elle a rencontré un homme très bien. J'

écris à Tuân pour lui demander d'organiser le mariage le plus simplement

possible, car nos deux familles sont modestes.

Quatre mois plus tard, Tuân et ma soeur se marient. Sont invités, du côté de la

mariée, quelques uns de mes amis de l'armée, le directeur de l'école de ma soeur

et beaucoup de ses élèves. Du côté de Tuân, il y a sa mère, ses cousins et ses

amis dans la Marine. En voyant ma soeur, toute mignonne dans sa tenue de mariée

et souriante auprès de Tuân, je pense à notre mère : « Maman, viens, reviens

assister au mariage de petite sœur ».

Je reste encore 2 ans dans mon unité, chez les parachutistes. Je les suis jusqu’à la frontière du pays. Arrive un jour l'Incident: je me suis mis à être impoli avec mon chef, que je trouve bête (voire malhonnête ?). Je n’ai pas pu tenir ma langue. Résultat: envoyé au conseil de discipline, et expulsé de la section des parachutistes. Après une période de galère, je suis affecté à la section "Guerre Psychologique". Je

deviens assez célèbre, en faisant des reportages de guerre sur le TÊT MÂU THÂN

(1968), sur les batailles de AN LÔC, BINH LONG.... qui ont fait honneur à mon

unité. J'ai reçu un prix avec mon reportage UN ETE DE FEU (1972) .Toutes les

récompenses que j’ai eues ainsi que le fruit de la vente de mes livres, je les

envoie à ma sœur. Tuân et ma soeur ont pu ainsi acheter une petite maison dans

la banlieue de Phan Rang, près de l’école.

Il n'y a pas très longtemps, elle était encore toute craintive, cachée derrière l'épaule de son fiancé. La voici mère de famille. Chaque fois que j'ai le temps, je vais à Phan Rang voir ma sœur, mes neveux et nièces. Mon coeur s'apaise devant la présence de ces bambins aux joues fraîches et parfumées. Leurs éclats de rire candide dissipent les peines et les difficultés de la vie. Je contemple le couple et les petits autour

de leur maman. Je suis ravi et fier. Je souhaite que notre mère puisse voir ce

tableau.

Le 30 Avril 1975 arrive comme un cruel destin. Tuân et moi devons nous présenter

au nouveau régime pour notre "rééducation politique". Ma soeur reste seule avec

les petits, son aînée a à peine 6 ans, et elle est enceinte du petit dernier.

Dans le camp, je ne cesse de penser à ma soeur et à ses enfants. La maman de

Tuân est trop âgée pour pouvoir aider. Ma soeur est en plus soucieuse pour le

sort de son mari et de son frère. «Maman, je n'ai pas pu tenir ma promesse, je

suis en prison, comment pourrai-je m'occuper de petite soeur?... »

En 76, on m' envoie au Nord du Vietnam. J’ai perdu contact avec ma soeur et avec Tuân depuis Mai 75. Comment peut-elle savoir où je suis ? Est-ce qu’elle sait où se trouve son mari? Les camps, ou plutôt les prisons, poussent comme des champignons, du sud au nord. Lorsque j'étais au sud, j’avais partout cherché à avoir des nouvelles de

Tuân, des camps de Trang Lon à Suôi Mau, mais, rien... Il y a trop de

prisonniers...

Au camp de rééducation de Son La, on nous permet d’écrire à la famille. J'écris une première lettre à ma sœur. Je reçois sa réponse 3 mois après. Nous sommes dans le courant de l’année 77. Je revois son écriture au bout de 2 ans et 1 mois. J'ouvre sa lettre en tremblant, mes yeux s'embrouillent et me piquent:

« Tuân est au camp de Long Thành, il a donné de ses nouvelles, tout

va bien. Sa maman est très âgée et très faible. Je continue à enseigner. Les 2

petits sont avec Mamie, les 2 grands me suivent à l'école. La petite dernière,

je l'ai appelée Tâm, Trân Thi Minh Tâm, elle est née le 12 sept 1975, presque 4

mois après l'emprisonnement de son papa et de son oncle ».

Vers la fin de sa lettre, elle annonce que notre père est en vie et est venu la voir. « Je ne sais comment papa a trouvé mon adresse. Le jour où il est venu, il s’est présenté,

j'ai été ébahie. J'avais 3 ans à son départ, comment aurais-je pu le reconnaître

20 ans après? Les petits ont regardé ce monsieur inconnu, qui s’est approché pour

les cajoler, avec des yeux grand ouverts. Il a posé des questions sur toi, sur

Tuân. Quand j'ai demandé comment faire pour savoir où vous êtes emprisonnés, il

a hoché la tête sans rien dire. Il m'a fait savoir qu’il a fondé une famille au

Nord, il a 2 garçons et 2 filles. L'aîné a 4 ans de moins que moi. Papa m'a

apporté 20 kilos de riz et 10 oranges. Il est resté chez nous un jour et est

ensuite reparti à Hanoi. Je lui ai offert l’appareil radiocassettes que tu

m'avais donné auparavant. Il en fut très content, il promit d'aller te voir

dans le camp. Depuis son retour au Nord, il ne m'a pas re-contactée et je n'ai

pas son adresse». Je suis perplexe. Comme ma soeur, je n'arrive pas à me figurer

comment est mon père. Cela fait déjà plus de 20 ans, je pensais qu'il etait

décédé.

Déc. 77. Nord du Vietnam. Mon père vient me voir au camp de rééducation de Son La.

Dans le bureau du capitaine- responsable du camp, se tient un homme d’âge moyen, aux cheveux grisonnants, le visage assez émacié. Il est en civil, plutôt bien vêtu. Le chef du camp lui témoigne du respect. Mon père doit occuper un poste assez important. À mon arrivée, le chef de camp lui glisse quelque chose à l’oreille et se

retire, nous laissant seuls. J’observe discrètement cet homme inconnu.

Il vient me serrer la main, se présente, me dit avoir vu ma soeur à Phan Rang et me

demande comment se passe ma “rééducation”. Il ne parle pas de maman. Il doit

être au courant de son décès. Il me dit avoir lu mes écrits. Je l’écoute en

silence. Vers la fin, il se lève, sort de sa poche un petit paquet, expliquant

que c’est du sucre et des cigarettes, me le remet et me conseille de bien suivre

les instructions de rééducation, pour pouvoir être vite gracié. Je le regarde

droit dans les yeux, indifférent à ses recommandations. Je serre sa main, et

reviens vers mon groupe. Voici comment se sont passées les retrouvailles avec

mon père. Sans doute était-ce pareil avec ma soeur. Il y a eu une certaine

distance, une certaine barrière, quelque chose que je ne puis comprendre et

décrire. Je devine maintenant pourquoi ma soeur a raconté si brièvement la

visite de papa à la fin de sa lettre.

C’était la première fois et aussi l’unique fois que j’ai rencontré mon père pendant mes 13 années d’emprisonnement dans le nord.

Déc. 78. Je suis transféré à Yên Bai. Je reçois 2 autres lettres de ma soeur. Dans sa dernière lettre, écrite en Oct.78, elle me dit que la situation est difficile. Sa solde d’institutrice ne suffit pas pour 4 enfants et une vieille mère. Elle a vendu au fur et à mesure tous ses bijoux et le mobilier de la maison. Elle n’a pas encore pu aller voir son mari au camp. Mamie est bien faible maintenant. A chaque repas, c’est l’aînée qui lui donne la cuillerée. Toutes les fins d’après- midis, entre chien et loup, ma

soeur accompagnée de son fils, essaie de vendre du maïs grillé à l’entrée de la

ruelle, pour avoir un complément, pour pouvoir acheter du riz. Elle se plaint

d’avoir perdu le sommeil, et que sa santé va en faiblissant…

Cela me laisse hébété toute la journée. Auparavant, je concentrais tous mes efforts uniquement pour elle. Maintenant, ma sœur a à sa charge 4 enfants et une grande mère, avec en plus le mari et le frère en prison, cela fait 7 personnes en tout, 7 croix à

porter sur ses épaules frêles. J’essaie de la consoler: « Tuân n’est pas un

officier haut gradé, a peu de “fautes” envers la ‘ révolution’, il a peut être la

chance de s’en tirer, d’être gracié plus tôt ». Je lui écris 2 ou 3 lettres

supplémentaires. Durant ces jours de captivité, je deviens bouillant, nerveux,

j’ai mal au ventre, je ne pense qu’à ma soeur et à sa famille. Ont-ils quelque

chose à manger?

Juin 79.

Un matin, sur le chemin dans la forêt, en train de couper des branches de bambou, j’entends vaguement une histoire racontée entre mes camarades prisonniers. Des femmes de détenus sont venues rendre visite à leur mari et leur apporter de la nourriture. Elles racontent qu’à Phan Rang, une jeune femme dont le mari est envoyé en camp de rééducation, est morte, laissant 4 enfants en bas âge. Le plus petit a 3 ans et le plus âgé à peine 9 ans, ils n’ont aucun autre parent. Je sens de la sueur froide couler dans mon dos. Je m’approche. On me dit qu’elle est institutrice, et que son mari, officier de la Marine, est en camp de rééducation dans le sud. Il était lieutenant à Phan Rang. Je vois soudain le ciel et la terre chavirer et le soleil éclater dans mon cerveau. Je perds la respiration. Bouche bée, debout au milieu des forêts et des montagnes de Yên Bai. Autour de moi, des gens en train de parler. Je n’entends plus rien. Mes oreilles sont abasourdies, mes yeux se voilent. Je vois le corps de ma soeur, recroquevillé sur une natte, ses 4 enfants autour d’elle, la plus petite en train de remuer le corps de sa maman, la plus grande, Thu Yên, s’accrochant en

larmes à ses pieds et les 2 autres, Hoàng et Châu, le regard éperdu. Nous sommes en plein été à Yên Bai, mais mon corps est transi. Je suis paralysé, je deviens pierre, je n’ai plus de sensations. J’ai besoin de crier, de faire éclater cet univers. Dans la lumière jaune vacillante de cette après midi, l’ombre de ma soeur tantôt apparaît et tantôt disparaît, indistincte. Ma soeur, ma petite soeur orpheline…

Le canon d’un fusil, une Automat Kalachnikov, pointe soudain sur mes côtes. Le gardien est étonné de me voir planté au milieu du chemin. Il roule vers moi des yeux interrogateurs et menaçants. Je réintègre en silence le flot des prisonniers. Des larmes coulent sur mes joues creuses. Je marche comme une somnambule ….

Texte original :

http://www.thienlybuutoa.org/Misc/EmToi.htm

1.1.08

L'auteur du texte vietnamien, Lặng lẽ
a écrit cette histoire d'après un poème de l'écrivain Phan Nhật Nam

9.1.07

Ma petite soeur
 
1954. Partition du Vietnam en 2 états : Le Nord et le Sud Vietnam.
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Mon père est parti au Nord. Il nous a quittés, ma mère, ma petite soeur âgée de 3 ans et moi.
J'ai 6 ans de plus que ma sœur. Nous sommes pauvres. A 9 ans, j'ai compris la tristesse de ma mère, ses soupirs et ses pleurs silencieux la nuit. Je suis le seul "homme" de la famille. Je sais porter ma soeur dans mes bras, lui donner à manger et la consoler lorsqu'elle pleure. Je sais la baigner, l'habiller, la promener sur mon dos et la mettre au lit.
J’abandonne mes études pour pouvoir m’occuper d’elle. Maman rentre de son commerce tous les soirs avec ses paniers en balancier. Au dîner, autour de la lampe à huile, nous essayons de lui parler pour la réconforter. Elle nous raconte des histoires qui se sont passées au marché, comme si nous étions des adultes. Je l'aime tellement, ma mère, avec ses cheveux, ses épaules frêles et ses mains sèches.
Elle tient un étal de légumes au marché Cồn. En fait, c'est un carré de terre, un tout petit emplacement. Il fait encore brumeux lorsqu'elle quitte la maison le matin. A midi, elle rentre pour nous faire à manger, se repose un peu et repart préparer son étalage pour l'après-midi. Elle fait l'aller-retour ainsi tous les jours, 7 jours sur 7, seule.
Lorsque ma soeur atteint ses 5 ans, maman l'inscrit à l'école maternelle. Je peux aller de nouveau à l'école. En classe, je ne vois que des visages inconnus. Mes camarades ont 2 ou 3 ans de moins que moi, je suis le plus âgé. Je travaille bien. Je deviens chef de classe. A la fin du CM1, je demande à maman d'aller voir le maître, pour lui demander la permission de sauter une classe. Il accepte. Je me concentre sur mon examen. Je réussis et passe en 6è.
Au collège Trần Quốc Tuấn, j'étudie nuit et jour. En 4è, je prépare et réussis le BEPC. Arrivé en 2nde, j'arrive enfin à rattraper mes anciens camarades. Je suis content de les retrouver. Je commence à avoir besoin d'argent pour acheter des livres, des vêtements. Ce n'était pas très important auparavant, mais maintenant, au lycée, je commence à rougir en voyant des jeunes filles du lycée d'en face. Parfois j'imite mes amis, je fume et les accompagne au café. L'argent de poche ne me suffit pas. Je me mets à donner des cours de répétition à domicile. Je m'occupe de quelques élèves plus jeunes que moi.
Nous habitons toujours la même petite maison depuis le départ de papa.
En Seconde, je prépare le baccalauréat 1è partie. J'obtiens la mention Passable. Je réussis encore cette fois-ci, à l'étonnement de tous. En fait, je suis conscient que maman fait des économies et se sacrifie pour nous. Elle se lève tôt le matin, nous prépare à manger, et s'en va silencieusement, sa palanche sur l'épaule. Le soir, elle nous observe en train d'étudier sous la lampe à huile. Certaines nuits, nous l'entendons tousser en se retournant dans son lit. Ces derniers temps, elle tombe souvent malade. J'ai les larmes aux yeux quand je pense à elle et à ma jeune soeur. En même temps, cela me stimule. J'étudie comme un fou. Ah, si l'Education Nationale m'autorisait à passer le bac en 1 seule fois. Les cheveux de maman sont blancs maintenant, ses épaules amaigries et son dos de plus en plus voûté. Cela me fait mal de la voir ainsi, et je m'enfouis avec encore davantage de rage dans mes livres.
Ma soeur commence à entrer dans son adolescence. C'est l'âge tendre, l'âge des rêveries. Elle sait que sa maman travaille dur, que son frère donne des cours particuliers, pour apporter un complément de revenus pour la famille et qu'il essaie de brûler les étapes en vue d'un diplôme. Elle demande rarement à maman de l'argent pour acheter des vêtements neufs. Ses deux petites tuniques blanches lui suffisent pour le collège. Papa n'est pas là, je m'occupe de ma mère et de ma soeur à la place de l'absent. Parfois, je me demande pourquoi papa nous a quittés...
Je réussis mon bac 2è partie à 18 ans et m'inscris à la faculté de Lettres de Huế. Maman reste à Đà Nẵng avec ma soeur. Tous les week-ends, je prends le "xe đò" (transport en commun- mini bus) pour rentrer les voir et reviens le lundi à la fac. A Huế, je continue à travailler comme répétiteur à domicile. Je peux ainsi aider maman.
Un après-midi, peu de temps après l'anniversaire des 13 ans de ma soeur, maman quitte précipitamment le marché et rentre à la maison. Elle a mal à la tête. Pensant à une légère grippe, elle demande à ma soeur de la frictionner avec des huiles essentielles traditionnelles et de lui préparer de la bouillie de riz à la ciboulette. Ce soir là, maman devient fiévreuse et se met à divaguer. Le lendemain, ma soeur doit s'absenter de l'école pour l'emmener à l'hôpital. Elle cherche ensuite à me contacter à Huế.
J'accours à Đà Nẵng par le dernier "xe đò". Il fait déjà nuit, je n'ai pas le temps de dîner. Je vais directement à l'hôpital. Dans sa petite chambre, sous la lumière blafarde, maman semble en train de dormir dans son lit de malade, et ma soeur somnole à ses côtés. Maman est pâle et immobile, et la petite soeur encore bien jeune et innocente...
Je la réveille, elle frotte ses yeux, l'air hagard pendant quelques instants, me reconnaît, se jette dans mes bras et se met à sangloter. Elle me raconte que depuis son entrée à l'hôpital, maman ne s'est réveillée que quelques minutes vers midi, pour replonger de nouveau dans le coma. L'infirmière nous explique qu'elle a eu un accident vasculaire cérébral, une rupture d'un vaisseau au cerveau.
Je suis stupéfié. C'est comme un coup de marteau à ma poitrine. L'infirmière regarde ma soeur, l'air désolé...
Ce soir là, nous restons à l'hôpital pour veiller sur notre mère. Ma soeur s’est assoupie, épuisée. Dans son sommeil agité, elle appelle maman et sanglote. J'ai l'impression qu'un couteau me coupe les entrailles. Je passe ainsi toute la nuit à regarder ma mère inanimée et ma soeur dans son sommeil intermittent. D'une main, je caresse doucement la main blême de maman, et de l'autre, je tiens la petite main de ma soeur. J'essaie de me retenir, mais les larmes ne cessent de couler sur mes joues.
Maman pousse son dernier soupir à 5 h du matin. Elle ne reprend pas ses esprits pour nous dire ses derniers voeux. Elle s'en va ainsi en silence, sa main se refroidissant lentement dans la mienne...Je réveille ma soeur. Nous embrassons le front de maman pour lui dire adieu. Ma soeur lui ferme les yeux, encore à moitié entrouverts. Elle serre fortement les 2 mains de notre mère, les réchauffe près de son coeur et appelle doucement: "Maman, maman..." Elle pleure en silence, son corps blotti contre la poitrine de maman. Ses larmes abondantes mouillent la chemise déteinte de notre mère. Pauvre maman...Pauvre petite soeur, tu n'as que treize ans…
Après l'enterrement de notre mère, j'abandonne mes études de Lettres. Je n'ai plus le coeur à cela. Ma soeur par contre doit retourner au collège.
La petite maison délabrée est mise en vente. Toute la fortune de maman est confiée à Minh, un ami intime. Les parents de Minh nous considèrent comme leurs enfants. Je leur confie ma sœur. Hân, la soeur de Minh, est du même âge et est dans la même classe que ma soeur, elles peuvent ainsi aller à l’école ensemble. L’argent de notre mère pourra subvenir à ses besoins pendant 2 ou 3 ans. Je lui donne un peu d’argent pour ses dépenses vestimentaires et scolaires diverses. Je la serre dans mes bras, me promets et promets à notre mère défunte que je m’occuperai de ma soeur toute ma vie...
J’entre à l’école militaire de Dalat. J'ai 20 ans. Avec mon maigre salaire d’élève officier, j'essaie de faire des économies pour les envoyer à ma soeur. Je lui demande de m’écrire toutes les semaines, de me raconter ses études et de me promettre de ne rien me cacher. Elle m'obéit. Une fois l’an, j’ai une permission et je peux aller la voir. Nous nous retrouvons et allons nous recueillir sur la tombe de maman, sans pouvoir cacher notre chagrin.
En grandissant, elle ressemble de plus en plus à notre mère: le même visage arrondi, le même regard doux et patient, les mêmes yeux lointains et mélancoliques. Elle est réservée, peu bavarde de nature. Sans doute est- ce parce qu’elle est trop tôt orpheline, et que son unique frère est loin.
Heureusement qu’elle a son amie Hân auprès d’elle. Hân et elle viennent assister à ma fête de fin d’études. Ma soeur a réussi l’examen d’entrée à l’école normale de Qui Nhơn. Dans 2 ans, elle sera une institutrice. Je suis fier d’elle et la présente à mes amis. Elle est un peu intimidée. Ma sœur, si adorable, si attachante. J’aimerai pouvoir dire à notre mère: ” Maman, tes enfants sont adultes maintenant ..."
J'entre chez les parachutistes, peut être est-ce simplement parce que j’aime la couleur de leur béret ? Ma soeur est au pensionnat de l’école. Tous les mois, je lui envoie la moitié de ma solde pour ses frais de logement et ses repas. Je devine que les jeunes filles ont plus de frais que les hommes : toilette, maquillage … Elle me raconte ses études, ses fréquentations. Elle craint pour moi, lors de mes patrouilles...
Si jamais je suis confronté avec papa sur le terrain de guerre, comment pourrai-je le reconnaître? Elle n’en ajoute pas plus, mais je comprends, une balle est vite perdue…
Les 2 années d’études universitaires de ma soeur passent vite. La voici jeune institutrice. Elle est affectée dans une école primaire près de Phan Rang. Ma soeur partage une location avec 2 autres collègues. Tous les matins, les 3 maîtresses prennent ensemble la Lambretta (transport en commun), pour aller à l’école. Le soir au retour, elles se mettent au fourneau. Ma sœur m’écrit et me dit avoir fait la connaissance de Tuân, un officier de la marine en poste à Phan Rang. Il est seul avec sa mère. Elle le trouve gentil, discret.
La guerre s’intensifie. Mon unité est en constant déplacement. Parfois nous ne rentrons à l’arrière qu’une fois par an. Je suis blessé deux fois la même année. Je le cache à ma soeur pour ne pas l’inquiéter. Pendant mes semaines à l’hôpital et ma convalescence, je commence à écrire des articles pour des journaux et des revues. Je raconte ces affrontements sanglants entre mon unité et l’ennemi communiste, je raconte les extraordinaires «exploits» de mes amis…
Suite à une blessure au bras, j’ai droit à quelques jours de permission. Je vais voir ma sœur à Phan Rang. Elle est très contente de me revoir, mais se met à pleurer lorsqu’elle voit le plâtre à mon bras. Je la console: " J’aurai peut-être être l’occasion ainsi d’être transféré plus tard à l’arrière".
Le lendemain, Tuấn vient me voir, il est effectivement très gentil. J'éprouve tout de suite de la sympathie pour lui. Pendant toute cette semaine, ma soeur doit continuer son travail à l'école. Heureusement qu’il y a Tuấn, il m'emmène prendre le petit déjeuner et déjeuner. Et l’on attend ensuite le retour de l’institutrice vers 15h. Le soir, elle se couche tôt. Tuấn s'attarde auprès de moi. Autour d'un café, je lui raconte notre histoire, la mort de notre mère. Les yeux de Tuấn brillent dans la nuit, il se les essuie d’un revers de main…
Les 7 jours de permission passent vite. Je rentre à Saigon, le coeur léger. J’ai pu rencontrer Tuân. Je suis sûr qu’il ne rendra pas ma soeur malheureuse. Je reçois ensuite une lettre de sa part. Il parle de sa famille et demande la permission de venir me voir, avec sa mère, pour demander la main de ma sœur. Il me promet de bien s'occuper d’elle et de l'aimer. Je suis ému et content. Ma soeur n’a pas eu de difficultés dans sa vie sentimentale, elle a rencontré un homme très bien. J'écris à Tuấn pour lui demander d'organiser le mariage le plus simplement possible, car nos deux familles sont modestes.
Quatre mois plus tard, Tuấn et ma soeur se marient. Sont invités, du côté de la mariée, quelques uns de mes amis de l'armée, le directeur de l'école de ma soeur
et beaucoup de ses élèves. Du côté de Tuấn, il y a sa mère, ses cousins et ses amis dans la Marine. En voyant ma soeur, toute mignonne dans sa tenue de mariée et souriante auprès de Tuân, je pense à notre mère : «Maman, viens, reviens assister au mariage de petite sœur ».
Je reste encore 2 ans dans mon unité, chez les parachutistes. Je les suis jusqu’à la frontière du pays. Arrive un jour l'incident: je me suis mis à être impoli avec mon chef, que je trouve bête (voire malhonnête ?). Je n’ai pas pu tenir ma langue. Résultat: envoyé au conseil de discipline, et expulsé de la section des parachutistes. Après une période de galère, je suis affecté à la section "Guerre Psychologique". Je deviens assez célèbre, en faisant des reportages de guerre sur le TÊT MÂU THÂN (1968), sur les batailles de AN LỘC, BÌNH LONG.... qui ont fait honneur à mon unité. J'ai reçu un prix avec mon reportage UN ÉTÉ DE FEU (1972).Toutes les récompenses que j’ai eues ainsi que le fruit de la vente de mes livres, je les envoie à ma sœur. Tuân et ma soeur ont pu ainsi acheter une petite maison dans la banlieue de Phan Rang, près de l’école.
Il n'y a pas très longtemps, elle était encore toute craintive, cachée derrière l'épaule de son fiancé. La voici mère de famille. Chaque fois que j'ai le temps, je vais à Phan Rang voir ma sœur, mes neveux et nièces. Mon coeur s'apaise devant la présence de ces bambins aux joues fraîches et parfumées. Leurs éclats de rire candide dissipent les peines et les difficultés de la vie. Je contemple le couple et les petits autour de leur maman. Je suis ravi et fier. Je souhaite que notre mère puisse voir ce tableau.
Le 30 Avril 1975 arrive comme un cruel destin.
Tuân et moi devons nous présenter au nouveau régime pour notre "rééducation politique". Ma soeur reste seule avec les petits, son aînée a à peine 6 ans, et elle est enceinte du petit dernier.
Dans le camp, je ne cesse de penser à ma soeur et à ses enfants. La maman de
Tuấn est trop âgée pour pouvoir aider. Ma soeur est en plus soucieuse pour le sort de son mari et de son frère. «Maman, je n'ai pas pu tenir ma promesse, je suis en prison, comment pourrai-je m'occuper de petite soeur?... »
En 76, on m'envoie au Nord du Vietnam. J’ai perdu contact avec ma soeur et avec Tuân depuis Mai 75. Comment peut-elle savoir où je suis ? Est-ce qu’elle sait où se trouve son mari? Les camps, ou plutôt les prisons, poussent comme des champignons, du sud au nord. Lorsque j'étais au sud, j’avais partout cherché à avoir des nouvelles de Tuân, des camps de Trảng Lớn à Suối Máu, mais, rien... Il y a trop de prisonniers...
Au camp de rééducation de Sơn La, on nous permet d’écrire à la famille. J'écris une première lettre à ma sœur. Je reçois sa réponse 3 mois après. Nous sommes dans le courant de l’année 77. Je revois son écriture au bout de 2 ans et 1 mois. J'ouvre sa lettre en tremblant, mes yeux s'embrouillent et me piquent:
« Tuân est au camp de Long Thành, il a donné de ses nouvelles, tout va bien. Sa maman est très âgée et très faible. Je continue à enseigner. Les 2 petits sont avec Mamie, les 2 grands me suivent à l'école. La petite dernière, je l'ai appelée Tâm, Trần Thi Minh Tâm, elle est née le 12 sept 1975, presque 4 mois après l'emprisonnement de son papa et de son oncle ».
Vers la fin de sa lettre, elle annonce que notre père est en vie et est venu la voir. « Je ne sais comment papa a trouvé mon adresse. Le jour où il est venu, il s’est présenté, j'ai été ébahie. J'avais 3 ans à son départ, comment aurais-je pu le reconnaître 20 ans après? Les petits ont regardé ce monsieur inconnu, qui s’est approché pour les cajoler, avec des yeux grand ouverts. Il a posé des questions sur toi, sur Tuân. Quand j'ai demandé comment faire pour savoir où vous êtes emprisonnés, il a hoché la tête sans rien dire. Il m'a fait savoir qu’il a fondé une famille au Nord, il a 2 garçons et 2 filles. L'aîné a 4 ans de moins que moi. Papa m'a apporté 20 kilos de riz et 10 oranges. Il est resté chez nous un jour et est ensuite reparti à Hanoi. Je lui ai offert l’appareil radiocassettes que tu m'avais donné auparavant. Il en fut très content, il promit d'aller te voir dans le camp. Depuis son retour au Nord, il ne m'a pas re-contactée et je n'ai pas son adresse».
Je suis perplexe. Comme ma soeur, je n'arrive pas à me figurer comment est mon père. Cela fait déjà plus de 20 ans, je pensais qu'il était décédé.
Déc. 77.
Nord du Vietnam. Mon père vient me voir au camp de rééducation de Sơn La.
Dans le bureau du capitaine responsable du camp, se tient un homme d’âge moyen, aux cheveux grisonnants, le visage assez émacié. Il est en civil, plutôt bien vêtu. Le chef du camp lui témoigne du respect. Mon père doit occuper un poste assez important. À mon arrivée, le chef de camp lui glisse quelque chose à l’oreille et se retire, nous laissant seuls. J’observe discrètement cet homme inconnu.
Il vient me serrer la main, se présente, me dit avoir vu ma soeur à Phan Rang et me demande comment se passe ma “rééducation”. Il ne parle pas de maman. Il doit être au courant de son décès. Il me dit avoir lu mes écrits. Je l’écoute en silence. Vers la fin, il se lève, sort de sa poche un petit paquet, expliquant que c’est du sucre et des cigarettes, me le remet et me conseille de bien suivre les instructions de rééducation, pour pouvoir être vite gracié. Je le regarde droit dans les yeux, indifférent à ses recommandations. Je serre sa main, et reviens vers mon groupe.
Voici comment se sont passées les retrouvailles avec mon père. Sans doute était-ce pareil avec ma soeur. Il y a eu une certaine distance, une certaine barrière, quelque chose que je ne puis comprendre et décrire. Je devine maintenant pourquoi ma soeur a raconté si brièvement la visite de papa à la fin de sa lettre.
C’était la première fois et aussi l’unique fois que j’ai rencontré mon père pendant mes 13 années d’emprisonnement dans le nord.
Déc. 78.
Je suis transféré à Yên Bái. Je reçois 2 autres lettres de ma soeur. Dans sa dernière lettre, écrite en Oct. 78, elle me dit que la situation est difficile. Sa solde d’institutrice ne suffit pas pour 4 enfants et une vieille mère. Elle a vendu au fur et à mesure tous ses bijoux et le mobilier de la maison. Elle n’a pas encore pu aller voir son mari au camp. Mamie est bien faible maintenant. A chaque repas, c’est l’aînée qui lui donne la cuillerée. Toutes les fins d’après- midis, entre chien et loup, ma soeur accompagnée de son fils, essaie de vendre du maïs grillé à l’entrée de la ruelle, pour avoir un complément, pour pouvoir acheter du riz. Elle se plaint d’avoir perdu le sommeil, et que sa santé va en faiblissant…
Cela me laisse hébété toute la journée. Auparavant, je concentrais tous mes efforts uniquement pour elle. Maintenant, ma sœur a à sa charge 4 enfants et une grande mère, avec en plus le mari et le frère en prison, cela fait 7 personnes en tout, 7 croix à porter sur ses épaules frêles. J’essaie de la consoler: « Tuân n’est pas un officier haut gradé, a peu de “fautes” envers la « révolution », il a peut être la chance de s’en tirer, d’être gracié plus tôt ». Je lui écris 2 ou 3 lettres supplémentaires. Durant ces jours de captivité, je deviens bouillant, nerveux, j’ai mal au ventre, je ne pense qu’à ma soeur et à sa famille. Ont-ils quelque chose à manger?
Juin 79.
Un matin, sur le chemin dans la forêt, en train de couper des branches de bambou, j’entends vaguement une histoire racontée entre mes camarades prisonniers. Des femmes de détenus sont venues rendre visite à leur mari et leur apporter de la nourriture. Elles racontent qu’à Phan Rang, une jeune femme dont le mari est envoyé en camp de rééducation, est morte, laissant 4 enfants en bas âge. Le plus petit a 3 ans et le plus âgé à peine 9 ans, ils n’ont aucun autre parent.
Je sens de la sueur froide couler dans mon dos. Je m’approche. On me dit qu’elle est institutrice, et que son mari, officier de la Marine, est en camp de rééducation dans le sud. Il était lieutenant à Phan Rang. Je vois soudain le ciel et la terre chavirer et le soleil éclater dans mon cerveau. Je perds la respiration. Bouche bée, debout au milieu des forêts et des montagnes de Yên Bái. Autour de moi, des gens en train de parler. Je n’entends plus rien. Mes oreilles sont abasourdies, mes yeux se voilent. Je vois le corps de ma soeur, recroquevillé sur une natte, ses 4 enfants autour d’elle, la plus petite en train de remuer le corps de sa maman, la plus grande, Thu Yến, s’accrochant en larmes à ses pieds et les 2 autres, Hoàng et Châu, le regard éperdu.
Nous sommes en plein été à Yên Bái, mais mon corps est transi. Je suis paralysé, je deviens pierre, je n’ai plus de sensations. J’ai besoin de crier, de faire éclater cet univers. Dans la lumière jaune vacillante de cet après midi, l’ombre de ma soeur tantôt apparaît et tantôt disparaît, indistincte. Ma soeur, ma petite soeur orpheline…
Le canon d’un fusil, une Automat Kalachnikov, pointe soudain sur mes côtes. Le gardien est étonné de me voir planté au milieu du chemin. Il roule vers moi des yeux interrogateurs et menaçants. Je réintègre en silence le flot des prisonniers. Des larmes coulent sur mes joues creuses. Je marche comme un somnambule ….


1.11.06

Xe lam


Xe lam
Credit photo: Franks Photos (1969-1970)

4.10.06

Em tôi

Em tôi


Phan Nhật Nam

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Năm em lên ba, bố tôi bỏ lại người vợ trẻ và hai đứa con thơ lên đường tập kết.

Tôi hơn em sáu tuổị Chín tuổi con nhà nghèo khôn lắm, tôi đủ khôn để thấy khuôn mặt mẹ buồn hiu hắt, những tiếng thở dài và những giọt nước mắt âm thầm của mẹ trong đêm. Chín tuổi, tôi đã biết mình là người nam độc nhất trong gia đình, đã biết ẩm bồng đút cơm cho em và vỗ về em mỗi khi em khóc. Chín tuổi, tôi đã biết tắm rửa, thay áo thay quần cho em, cõng em đi chơi và dỗ cho em ngủ. Mỗi ngày, trời sập tối mẹ mới gánh hàng về, ba mẹ con ngôì ăn cơm bên ngọn đèn dầu , tôi và em hỏi han, an ủi me.. Mẹ kể cho chúng tôi nghe chuyện chợ búa như đang nói chuyện với người lớn, tôi ngồi nghe, nhìn đôi vai gầy của mẹ, nhìn mái tóc và đôi bàn tay khô của mẹ, mà thấy thương mẹ vô cùng.

Tôi phải bỏ học ở nhà hai năm để trông chừng em. Mẹ có một sạp bán rau cải ở chợ Cồn. Gọi là sạp chứ thực ra chỉ là một ô đất nhỏ, sáng mẹ ra đi thật sớm, lúc trời còn mờ sương, buổi trưa mẹ về nhà lo cho chúng tôi ăn, nằm nghỉ ít phút rồi trở dậy sửa soạn cho chuyến chợ chiềụ Một tuần bảy ngày, mẹ đi đi về về trong nỗi cô đơn.

Năm em vừa tròn năm tuổi thì mẹ cho em vào mẫu giáo, tôi cũng trở lại trường, đám bạn cũ của tôi nay đã hơn tôi hai lớp, ngồi xung quanh tôi bây giờ là những khuôn mặt lạ, kém tôi hai, ba tuổị Tôi là học trò lớn nhất và học khá nên được làm trưởng lớp. Gần cuối năm học lớp nhì, tôi nói với mẹ lên xin thầy Hiệu trưởng cho tôi được thi nhảy tiểu học. Thầy bằng lòng. Tôi cắm cúi học luyện thi và kết qủa là tôi đã đỗ được bằng tiểu học năm đó.

Vào lớp đệ thất trường Trần quốc Tuấn, tôi tiếp tục học ngày, học đêm, năm đệ ngũ tôi thi nhảy một lần nữa lấy bằng Trung học. Ðến niên học đệ tam thì tôi đã bắt kịp đám bạn cũ, tôi hân hoan nhập bầy chung với đám bạn ngày xưạ Ðây là giai đoạn mà tôi cần tiền để mua sách học và may thêm quần áo, thời tiểu học và trung học đệ nhất cấp thì mặc sao cũng được, nhưng bây giờ đã lên đệ nhị cấp rồi, đã bắt đầu biết đỏ mặt khi nhìn những đứa con gái trường nữ, thỉnh thoảng đã biết theo bạn tập uống cafe, phì phà điếu thuốc. Tiền mẹ cho không đủ, tôi bắt đầu công việc kèm trẻ tư gia để kiếm thêm tiền. Học trò của tôi là mấy cô cậu đệ thất đệ lục, nghĩa là cũng chỉ bé thua tôi vài tuổi .

Ba mẹ con tôi vẫn ngày ngày đi về căn nhà nhỏ, căn nhà vẫn không thay đổi một chút nào từ ngày bố bỏ mấy mẹ con để ra đị

Hết năm đệ tam, tôi nộp đơn thi Tú Tài phần nhất. Tôi đậu bình thứ. Một lần nữa, mọi người ngạc nhiên, nhưng tôi biết sức học của mình, tôi biết mẹ buôn bán tảo tần, tôi thấy những năm tháng gần đây mẹ trở bệnh hoài, mỗi sáng mẹ lục đục dậy thật sớm nấu cơm để dành cho anh em tôi, rồi lặng lẽ mang đôi quang gánh lên vai, những tối ngồi trâm ngâm bên ánh đèn dầu nhìn anh em tôi học bài và những đêm khuya mẹ trở mình húng hắng họ Tôi thương mẹ và em đến ứa nước mắt, và càng thương mẹ thương em, tôi càng học như điên, như cuồng. Tôi ước gì Bộ Giáo dục cho tôi thi hai bằng tú tài cùng một lúc. Nhìn mái tóc mẹ đã lớm chớm sợi bạc, nhìn lưng mẹ mỗi ngày mỗi như còng xuống, nhìn hai vai gầy của mẹ mà lòng quặn đau, và cứ thế, tôi vùi đầu vào sách vở...

Em đã bắt đầu tuổi lớn, đã bắt đầu tuổi mộng mơ con gái, đã bắt đầu bước vào "tuổi ngọc", nhưng tội nghiệp, biết nhà mình nghèo, biết mẹ mình buôn thúng bán bưng, biết anh mình vẫn chiều chiều đi kèm trẻ kiếm thêm tiền và cặm cụi học đốt giai đoạn cho chóng thành tàị Biết thế nên em ít khi nào xin mẹ, xin anh tiền may áo mới, hai chiếc áo dài trắng đủ cho em thay đổị Em lớn lên thiếu tình của bố, nên tôi "quyền huynh thế phụ". Nhiều lúc nhìn mẹ, nhìn em, tôi vẫn không hiểu tại sao bố lại đành đoạn dứt áo ra đị

Tôi thi đỗ Tú Tài toàn phần năm 18 tuổi, và ra Huế học Ðại học Văn khoạ Mẹ ở một mình với em ở Ðà nẳng. Mỗi cuối tuần, tôi theo xe đò về thăm mẹ và em, đến sáng thứ hai trở lại trường. Ở Huế, tôi tiếp tục công việc kèm trẻ tư giạ Với số tiền nhỏ nhoi kiếm đuợc, tôi phụ mẹ một ít nuôi em.

Qua sinh nhật thứ 13 của em mấy tháng, một chiều mẹ bỏ buổi chợ, về nhà than nhức đầu, tưởng là cảm nhẹ, mẹ sai em cạo gió và nấu cho mẹ bát cháo hành. Khuya đó mẹ lên cơn sốt, lảm nhảm nói mê, sáng hôm sau em nghỉ học chở mẹ vào nhà thương và nhờ người nhắn tin ra cho tôi ở Huế.

Lật đật trở vào Ðà nẳng bằng chuyến xe đò chót. Trời tối đã lâu, không kịp ăn uống, từ bến xe tôi đi thẳng đến bệnh viện. Trong căn phòng nhỏ, dưới ánh đèn vàng mờ đục, mẹ nằm thiêm thiếp trên giường bệnh, còn em đang ngồi ngủ gà ngủ gật cạnh giường. Ðứng yên lặng nhìn mẹ xanh xao bất động, và khuôn mặt thơ dại của em, trong giấc ngủ hai khoé mắt vẫn còn long lanh giọt lệ, tôi nghe lòng mình quặn thắt .

Ðánh thức em dậy, em ngơ ngác dụi mắt vài giâỵ Nhận ra tôi, em nhào tới ôm chầm và oà lên khóc, em cho hay là từ lúc đưa mẹ vào đây, mẹ chỉ tỉnh lại một vài phút vào khoảng giữa trưa, sau đó mẹ hôn mê trở lạị Tôi an ủi em, rồi cùng em ra văn phòng bệnh viện. Cô y tá trực cho hay mẹ bị đứt một tỉnh mach ở đầụ Tôi bàng hoàng như bị ai nện một nhát búa vào ngực. Cô y tá bùi ngùi nhìn em, đôi mắt xót xa ...

Tối đó, anh em tôi cùng ở lại với mẹ, em mệt mỏi, nên chỉ một thoáng là đã ngủ saỵ Trong giấc ngủ mệt nhọc, thỉnh thoảng em ú ớ mẹ ơi, mẹ ơi rồi nức lên mấy tiếng. Tôi nghe như dao cắt trong lòng. Suốt đêm không ngủ, tôi cứ ngồi nhìn mẹ nằm im lìm và bên chân mẹ em ngủ chập chờn. Tôi tự nhủ thầm với mình đừng khóc, đừng khóc ... nhưng sao nước mắt vẫn cứ trào ra, một tay ve vuốt bàn tay xanh xao của mẹ, một tay nắm lấy bàn tay nhỏ bé của em, tôi để mặc cho hai giòng nước mắt chảy nhạt nhoà trên má.

Mẹ thở hơi cuối cùng lúc năm giờ sáng, mẹ không tỉnh lại để trăn trối với hai con một lời gì. Mẹ đi trong yên lă.ng. Tôi nắm bàn tay mẹ và thấy tay mẹ lạnh dần. Tôi đánh thức em dậỵ Hai anh em hôn lên trán mẹ gỉa từ. Em vuốt mắt me.. Mắt mẹ nhắm hờ. Em ôm chặt hai tay mẹ, ủ vào lòng mình miệng kêu lên nho nhỏ : mẹ ơi, mẹ ơi... Em khóc lặng lẽ, áp mình vào ngực mẹ nước mắt em tuôn ràn rụa làm ướt đẩm cả vạt áo me bạc màu . Những tiếng kêu nghẹn ngào của em như những viên đạn bắn thẳng vào tim, tôi ngồi bất động nhìn mẹ, nhìn em, lòng đau như muối xát. Tội nghiệp mẹ tôi, tội nghiệp em tôị. Em mới mười ba tuổi ...

Chôn mẹ xong, tôi bỏ học. Còn lòng dạ nào mà học nữạ Nhưng em thì phải trở lại trường.

Bán đi căn nhà nhỏ xiêu vẹo và gom tóm tất cả vốn liếng của mẹ để lại, tôi đưa hết số tiền cho mẹ của Minh, một người bạn thân tôị Minh có Hân, cô em gái cùng tuổi , cùng lớp với em. Tôi gửi em đến đó ở và đi học với Hân, cũng may, bố mẹ Minh coi anh em tôi như con. Tôi dặn dò em đủ điều . Số tiền tôi gởi cho mẹ Minh đủ để trả tiền ăn ở của em trong hai ba năm. Tôi còn đưa thêm cho em một ít để em mua sách vở, may áo quần, tiêu vặt. Tôi ôm em và hứa với lòng, hứa với vong hồn mẹ là sẽ lo lắng, sẽ bảo bọc em cho đến trọn đời . Tôi vào trường Võ bị Ðà Lạt năm 20 tuổi, lương sinh viên sĩ quan ít ỏi, tôi tiết kiệm không dám xài nhiều, để dành gởi về cho em mỗi tháng. Tôi dặn em viết thư mỗi tuần kể cho tôi nghe chuyện học hành. Tôi bắt em hứa là không bao gi dấu tôi một điều gì dù nhỏ bé. Em ngoan ngoãn vâng lờị Mỗi năm tôi được về phép một lần, hai anh em quấn quýt không rờị Tôi đưa em đi thăm me... Chúng tôi lặng yên cầm tay nhau quỳ bên mộ mẹ, nước mắt lưng tròng.

Em lớn lên và ngày càng giống me.. Cũng khuôn mặt và cái nhìn nhẫn nhục, cũng đôi mắt xa xăm buồn hiu hắt. Bình thường em rất ít nói, có lẽ không cha, mồ côi mẹ qúa sớm và anh lại ở xa đã làm em rụt rè. Cũng may, bên cạnh em vẫn còn có Hân. Lễ mãn khoá của tôi, em và Hân cùng lên tham dự, lúc này, em đã thi đổ vào trường Sư phạm Qui Nhơn, hai năm nửa em sẽ trở thành cô giáo, tôi hãnh diện giới thiệu em và Hân với các bạn mình. Nhìn dáng em thẹn thùng e ấp, tôi thấy lòng mình rạt rào thương em. Tôi thầm gọi mẹ, mẹ ơi, hai con của mẹ đã trưởng thành và đã nên người .

Ra trường, tôi chọn binh chủng nhảy dù, có lẽ cũng chỉ vì tôi thích màu mũ đỏ. Em vào học và ở nội trú trong trường sư phạm. Tôi thấy mình yên tâm hơn. Mỗi tháng, tôi vẫn gửi về cho em một nửa tiền lương lính của mình để trả tiền phòng, tiền ăn. Tôi biết con gái cần nhiều thứ hơn con trai, như áo quần, son phấn... Em vẫn viết thư cho tôi mỗi tuần như em đã làm trong mấy năm quạ Em kể chuyện học hành, chuyện bạn bè, em lo sợ là tôi đi tác chiến nhở có ngày bố con gặp nhau ở chiến trường, làm sao nhận ra nhau, em không nói thêm, nhưng tôi cũng hiểu, tên đạn vô tình, nếu nhỡ....

Hai năm em học Sư Phạm trôi qua thật nhanh. Em bây giờ đã là một cô giáo trẻ. Em được đổi về dạy tại một trường tiểu học gần thị xã Phan Rang. Em thuê nhà chung với hai cô giáo khác. Mỗi ngày ba cô giáo ngồi xe lam đi đến lớp, chiều về cả ba cùng quây quần nấu nướng . Em viết thư cho tôi và khoe có quen với Tuấn, một Sĩ quan Hải quân đồn trú ở Phan rang. Em khen Tuấn hiền lành, ít nóị Em kể thêm là Tuấn chỉ còn có mỗi một mẹ già. Chiến tranh ngày thêm khốc liệt, đơn vị tôi hành quân liên miên, có khi cả năm chúng tôi mới được về hậu cứ một lần. Tôi bị thương hai lần trong cùng một năm. Tôi dấu em, không cho em biết sợ em lo lắng. Trong những tuần lể nằm bệnh viện và ở hậu cứ dưỡng thương, tôi bắt đầu viết bài đăng trên các báo và tạp chí. Tôi kể lại những trận đụng độ kinh hoàng giữa đơn vị tôi và giặc Cộng, tôi kể lại những "kỳ tích" của bạn tôi, của Mễ, của Lô ....

Sau một lần bị thương nhẹ ở tay, tôi lấy mấy ngày phép ra Phan Rang thăm em. Em mừng rỡ ôm lấy anh, nhưng khi thấy cánh tay băng bột em xót xa bật khóc. Tôi an ủi em là biết đâu sau chuyến bị thương này tôi sẽ được về làm việc hậu cứ. Ngày hôm sau, nghe tin, Tuấn đến thăm . Thoạt nhìn, tôi đã có cảm tình với Tuấn, đúng như em nói, Tuấn trông rất hiền lành. Trong suốt tuần lể ở Phan rang, em vẫn phải đi dạy, nhưng may là có Tuấn, mỗi ngày Tuấn tới chở tôi đi ăn sáng , trưa Tuấn và tôi lang thang ra chợ bạ gì ăn đó đợi giờ ba cô giáo đi dạy học về. Buổi tối, em đi ngủ sớm, Tuấn ngồi lại nói chuyện với tôi cho tới khuyạ Bên ly cafe, tôi kể cho Tuấn nghe chuyện của mình. Những hình ảnh yêu dấu, xót xa như một cuộn phim củ quay chầm chậm. Tôi rưng rưng kể lại ngày mẹ mất. Tuấn lấy tay chùi mắt, trong đêm tối, tôi thấy mắt Tuấn long lanh ...

Bảy ngày phép cũng trôi nhanh. Tôi trở về Saigòn, lòng cảm thấy vui và nhẹ nhàng vì đã có dịp gặp Tuấn. Tôi tin Tuấn sẽ không làm khổ em. Ba tuần sau, tôi nhận được thư Tuấn, trong thư Tuấn kể về gia đình (mặc dù tôi đã nghe em kể trong các lá thư). Tuấn muốn tiến tới với em. Tuấn xin phép được đưa mẹ Tuấn đến gặp tôị Tuấn hứa là sẽ săn sóc và thương yêu em. Ðọc thư Tuấn tôi ứa nước mắt vì mừng. Mừng cho em may mắn không gặp những trắc trở trên đường tình ái, mừng cho em gặp được một người chồng hiền hậụ Tôi viết thư cho em và Tuấn, bảo hai em lo thế nào cho tiện, chỉ cố làm sao cho giản đơn vì cả hai đứa cùng nghèo . Bốn tháng sau, Tuấn và em làm đám cưới, nhà gái ngoài tôi còn có thêm mấy thằng bạn trong đơn vị, ông hiệu trưởng, thầy cô giáo và rất đông học trò. Nhà trai ngoài mẹ Tuấn, mấy gia đình anh chị họ còn thêm một số bạn bè Hải quân cùng đơn vi.. Nhìn em súng sính trong bộ đồ cưới , tươi cười đứng bên cạnh Tuấn, tôi gọi thầm mẹ ơi, mẹ ơi, về đây dự đám cưới của em. Tôi theo đơn vị lội thêm hai năm nửa ở vùng giới tuyến, thì "tai nạn" xảy rạ Trong một lúc nóng giận vì thấy ông xếp của mình sao ngu và bẩn quá, tôi không giữ được lời và đã xúc phạm đến ông, kết quả là tôi bị đưa ra hội đồng kỷ luật và tống ra khỏi binh chủng nhảy dù.

Sau một thời gian ba chìm bảy nổi, tôi đổi về cục Tâm lý Chiến, thời gian này tôi đã khá nổi tiếng , những bút ký chiến trường về Tết Mậu Thân, Bình Long. An Lộc ... đã làm vinh danh binh chủng cũ của tôị Tôi được giải thưởng văn học với bút ký "Mùa hè đỏ lửa". Tiền thưởng và tiền bán sách tôi gửi hết cho em. Tuấn và em dùng tiền này mua được một căn nhà nhỏ ở ngoại ô Phan rang, gần trường em dạỵ

Mới ngày nào đó còn thẹn thùng nấp bên vai Tuấn mà bây giờ em đã mấy con. Mỗi dịp rãnh rỗi tôi lại ra Phan Rang ở chơi với em, với cháụ Tôi ôm cháu, hôn vào hai má phúng phính, hít vào phổi mùi thơm của trẻ thơ mà thấy lòng mình dịu lại, những cay đắng, cực nhọc của đời theo tiếng cười lanh lãnh dòn tan của cháu mà bay xa, bay xạ Tôi nhìn hai vợ chồng em, nhìn bầy cháu nhỏ lẫm chẫm quây quần bên chân mẹ mà lòng vừa vui mừng vừa hãnh diện. Tôi ao uớc mẹ tôi nhìn thấy được cảnh nàỵ

Biến cố tháng 4/75 tới như một định mệnh oan nghiệt, cả Tuấn và tôi đều phải ra trình diện cải tạọ Em ở lại một mình với một bầy con nhỏ, đứa lớn nhất chưa đầy sáu tuổi và đứa nhỏ nhất còn nằm trong bụng me.. Trong trại, tôi cứ đứt ruột nghĩ về em và bầy cháu nhỏ. Mẹ của Tuấn đã qúa già, làm sao lo phụ với em đâỵ Rồi em còn phải lo lắng về số phận chồng, số phận anh. Tôi quay quắt như như ngồi trên đống lửa, tôi nghĩ đến lời hứa với vong hồn mẹ hôm nào mà lòng đau như xé, con đã thất hứa với mẹ, mẹ ơi, con đang ở đây tù tội thì làm sao lo được cho em ...

Năm 76 tôi bị đưa ra Bắc. Tôi mất liên lạc với em và Tuấn từ tháng 5/75. Làm sao em biết tôi ở đâu mà thư từ thăm gửị Không biết em có biết Tuấn ở đâu không, trại tù mọc lên như nấm từ Nam ra Bắc. Hồi còn ở trong Nam, từ Trảng lớn, qua Suối máu , đâu đâu tôi cũng cố dò hỏi tin Tuấn nhưng vô hiệụ Tù nhân đông qúa ...

Trại cải tạo Sơn La, sau đợt cho viết thư về gia đình đầu tiên, ba tháng sau tôi nhận được thư em.Thư em đến tay tôi vào giữa năm 77. Hơn 2 năm 1 tháng tôi mới nhìn lại nét chữ của em. Run run bóc thư, mắt tôi cay nồng, nhạt nhoà. Em cho hay là Tuấn đang cải tạo ở Long Thành, Tuấn có thư về và cho biết vẫn bình an, mẹ Tuấn dạo này yếu lắm vì cụ đã quá già, em vẫn đi dạy, hai cháu nhỏ ở nhà với bà nội, hai cháu lớn theo mẹ vào trường, em cho hay đứa con gái út em đặt tên Tâm, Trần thị Minh Tâm, cháu sinh ngày 12 tháng 9 năm 75, gần 4 tháng sau ngày bố cháu và bác cháu vào tù.

Gần cuối thư, em báo tin là bố còn sống và hồi đầu năm 76 có tìm đến gặp em, làm sao bố tìm ra địa chỉ thì em không biết, nhưng hôm ấy bố đến, bố tự giới thiệu tên mình. Em ngỡ ngàng, ngày bố ra đi em mới tròn ba tuổi, hơn hai mươi năm sau gặp lại làm sao em nhận được , bố xoa đầu đám cháu ngoại đang trố mắt nhìn nguời đàn ông lạ, bố hỏi về anh, về Tuấn, khi em hỏi lại bố là làm sao để biết anh và Tuấn đang bị giam giữ ở trại cải tạo nào, bố lắc đầu không nói gì. Bố cho hay là bố đang có gia đình ở Bắc, ngoài ấy bố có thêm hai trai và hai gáị Ðứa trai lớn nhất thua em bốn tuổị

Bố mang vào cho em hai mươi ký gạo và một chục cam. Bố ở chơi một ngày rồi bố trở về Hà nộị Lúc bố về em có tặng bố cái radio-cassette của anh cho ngày nàọ Bố thích lắm, bố hưá sẽ đến thăm anh trong trại tù. Từ hồi trở ra Bắc dến giờ bố chưa liên lạc lại với em, và em cũng không có địa chỉ của bố ở ngoài ấỵ Tôi đọc thư lòng thấy phân vân, tôi cũng như em, không hình dung ra nổi bố tôi hình dáng mặt mủi ra sao, hai mươi mấy năm, tôi tưởng bố tôi đã chết.

Tháng 12 năm 77, tại trại cải tạo Sơn La, bố đến thăm tôi .

Ðứng trong văn phòng viên sĩ quan trưởng trại một người đàn ông trung niên, tóc muối tiêu và gương mặt xương. Bộ áo quần dân sự khá thẳng thớm, và sự lễ phép của tên đại úy truởng trại tiết lộ về điạ vị không nhỏ của người nàỵ Thấy tôi vào, viên trưởng trại quay qua nói nhỏ một câu gì đó rồi bước ra ngoàị Tôi im lặng đứng nhìn người đàn ông xa lạ .

Bố đến bắt tay tôi, tự xưng tên mình, bố gọi tôi bằng anh, bố kể là đã gặp em ở Phan Rang, bố hỏi tôi học tập thế nào, bố không hề nhắc đến mẹ, có lẽ ông đã biết về cái chết của me.. Bố nói là có đọc văn tôị Tôi ngồi yên nghe bố nói, sau cùng , bố đứng dậy, móc trong xách ra một gói nhỏ bảo đó là đường và thuốc lá, trao cho tôi, khuyên tôi cố gắng học tập tốt để sớm được khoan hồng. Tôi nhìn vào mắt bố, lòng thấy dững dưng. Tôi bắt tay bố rồi về lại lán mình. Ðó, cuộc hội ngộ của bố con tôi sau hơn hai mươi năm là thế đấỵ Chắc cuộc tái ngộ giữa bố với em cũng tẻ nhạt như thế. Có cái gì đó ngăn cách, có cái gì đó phân chia, có cái gì đó tôi không hiểu và không diễn tả được. Bây gi tôi hiểu vì sao cái tin quan trọng đến thế mà em lại chỉ đề cập một cách ngắn ngủi ở cuối thự

Lần đó là lần đầu và cũng là lần duy nhất tôi gặp bố trong suốt 13 năm lang thang trong các trại tù biệt giam miền Bắc.

Tháng 12/78, chuyển trại lên Yên Bái, tôi nhận thêm được hai lá thư của em, trong bức thư gần nhất, em viết vào tháng 8/78. Em cho hay tình trạng rất khó khăn, phụ cấp đi dạy không đủ nuôi một mẹ già và bốn con thơ, em đã bán lần mòn hết những đồ trang sức và luôn cả những đồ vật trong nhà. Em vẫn chưa đi thăm nuôi Tuấn được một lần nàọ Không thể để bốn cháu nhỏ ở nhà cho bà nội vì cụ bây giờđã quá yếu, mỗi buổi ăn, Uyên, cháu lớn phải đút cho bà. Ngoài ra, mỗi tối, từ lúc chạng vạng em và Hoàng, hai mẹ con phải ra đầu ngõ, ngồi bán bắp nướng đến khuya để kiếm thêm tiền đong gạọ Em than là dạo này mất ngủ, sức khoẻ yếu lắm, em sợ nhở có mệnh hệ nào ...

Tôi thẩn thờ cả buổi vì bức thư em, ngày xưa tôi chỉ lo cho có mỗi mình em, còn bây giờ em phải lo cho bốn đứa con thơ và một mẹ già, kể luôn người chồng và ông anh đang tù tội là bảy, bảy cây thập giá đời đang đè nặng lên đôi vai gầy guộc, nhỏ bé của em. Tôi viết thư về an ủi , khuyên em cố gắng, tôi vỗ về em là có thể Tuấn sẽ được tha về sớm với em, với cháu, vì Tuấn đi hải quân và lon còn thấp, không có tội với cách mạng nhiềụ Rồi tôi viết thêm cho em hai ba lá thư nữa mà vẫn không thấy hồi âm. Lòng tôi cồn cào, nóng như lửa đốt, những ngày dài tù tội, tôi không nghĩ đến cái đói, cái khổ của mình mà chỉ nghĩ đến em và mấy cháu, không biết giờ này, em và bốn cháu thơ dại đang có gì ăn ?

Tháng 6/79, một sáng trên đường lên rừng đốn nứa, tôi nghe loáng thoáng câu chuyện giữa các bạn tù. Họ nghe từ các bà vợ đi thăm nuôi kể lại, rằng ở Phan Rang có một chị có chồng đang đi cải tạo, chị chết đi, để lại bốn con thơ, đứa bé nhất mới lên ba, còn đứa lớn nhất chưa đầy chín tuổị Tội nghiệp, họ hàng nội ngoại không có một aị Tôi bỗng dưng thấy lạnh toát cả sống lưng, lại gần hỏi thêm thì người bạn tù cho hay là nghe nói chị ấy làm nghề cô giáo, có chồng sĩ quan hải quân đang đi tù cải tạo ở đâu đó trong Nam. Nguời chồng, trung úy hải quân trước cũng đóng ở Phan Rang. Trần Nguyên Tuấn, hải quân trung uý Trần nguyên Tuấn . Tôi thấy đất trời đảo lộn, tôi thấy mặt trời nổ tung trong óc, tôi hụt hơi, miệng há hốc đứng như trời trồng giữa núi rừng Yên Bái, bên cạnh tôi tiếng nguời nói lao xaọ Tôi không nghe gì hết, tai tôi lùng bùng, mắt tôi mờ đi, tôi đang nhìn thấy xác em nằm co quắp trên manh chiếu, bốn đứa cháu của tôi, cháu Minh Tâm chưa đầy ba tuổi đang lấy tay lay lay xác mẹ, cháu lớn Thu Uyên chưa đủ chín tuổi đang ôm chân mẹ khóc lóc ủ ê, hai đứa kia, Hoàng và Châu ngơ ngác đứng nhìn. Trời tháng 6 mùa hè Yên bái mà sao tôi thấy thân mình lạnh buốt. Tôi tê dại, tôi hoá đá, tôi không còn cảm xúc, tôi muốn hét lên cho tan vỡ cả vũ trụ nàỵ Trong lung linh màu nắng vàng buổi trưa Yên Bái, tôi thấy bóng em nhập nhoà, chập chờn. Em của tôi, đứa em côi cút của tôi ... Mũi súng AK thúc vào cạnh sườn, người vệ binh chắc cũng ngạc nhiên không hiểu sao bỗng dưng tôi đứng như trời trồng giữa lô.. Anh quắc mắt nhìn tôi dò hỏi, tôi không nói gì, im lặng nhập vào dòng tù. Nước mắt chảy dài trên hai má hóp, tôi bước đi như kẻ mộng du ..